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priser par-dessus tout. Nous voulons bien faire la part du temps, des circonstances, et des idées qui régnaient à cette époque ; mais nous nous refusons à croire que l’attitude du gouverneur du Massachusetts ait été conforme au code d’honneur qui prévalait alors parmi les nations, si abaissé qu’en fût l’idéal. Et c’était à un Duc et à un Secrétaire d’État d’Angleterre qu’il adressait pareilles élucubrations ; c’était pour la troisième fois qu’il exposait son projet néfaste, quand il venait à peine d’assurer les Acadiens « de ses meilleurs efforts pour leur obtenir la continuation de la faveur et de la protection royales », quand, ainsi qu’il l’avouait lui-même, ces Acadiens « jouissaient d’une situation garantie par le traité d’Utrecht » — their having remained so long in the country upon the foot of British Subjects, under the sanction of the Treaty of Utrecht —, et quand, selon la parole de Mascarène, « ils ne s’étaient en aucune manière joints à l’ennemi », they had in no ways joined the ennemy !

Faut-il s’étonner, après cela, qu’un homme également able et sanguine, mais moralement bien inférieur à Shirley, ait déporté les Acadiens, sans plus de raison que le gouverneur du Massachusetts n’en aurait eue à l’époque dont il s’agit ? Shirley est au moins retenu par un vague sentiment d’honneur, fortement pallié d’intérêt ; l’on croit distinguer, à travers sa phraséologie, une mince ligne de démarcation qu’il préfère ne pas franchir. Cette ligne, c’est le traité d’Utrecht, le serment conditionnel prêté par les habitants français, leur position difficile, leur résistance aux menaces et aux séductions de l’adversaire. Comme pressé par sa conscience, il se demande si l’on peut, en justice, tenir rigueur aux Acadiens de n’avoir pas donné au gouvernement toutes les informations désirables, quand