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état de les protéger contre l’ennemi. Par conséquent, il me semble que Votre Grâce devra bien prendre en considération si, dans des circonstances aussi délicates, l’expulsion en masse de tous les habitants français de la Nouvelle-Écosse, et par là un renforcement considérable donné à nos ennemis sur ce continent, doit être préférée à cette autre alternative de les garder plutôt, et de les traiter comme sujets, quitte à punir ceux d’entre eux qui sont les plus coupables et les plus dangereux[1]… »

Ainsi écrivait l’homme que Parkman veut élever si haut dans l’admiration de la postérité. Shirley, dit-il, était un homme « plein de ressources » ; il était « le plus vigilant et le plus ardent défenseur des intérêts britanniques en ce continent » ; « la nature énergique de Shirley l’inclinait à des mesures radicales, et il n’avait rien de notre moderne humanitarisme ; cependant, il n’était pas inhumain, et il reculait devant la cruauté que comportait l’exil en masse de tout un peuple[2]. » L’énergie, la résolution de caractère, ce sont là de ces qualités que l’historien américain semble

  1. Public Record Office. America and West Indies. Shirley to Newcastle (77). (A. C. Sess. Papers, etc., p. 30-1).
  2. A Half-Century of Conflict. « He was able, sanguine… » ch. xviii et xxii du vol. II, pp. 66-170-177 et passim, car le « portrait » de Shirley par Parkman est fait de touches disséminées à travers tout ce deuxième volume, au fur et à mesure des événements auxquels ce gouverneur a été mêlé. Il est incontestable que si l’historien américain professe une réelle admiration pour son « héros », il fait cependant des réserves soit sur son caractère, soit à propos de certains actes de son administration, mais l’ensemble est dithyrambique. Dans la note de la page 177, citant un passage de la lettre que nous reproduisons ici, il ose affirmer que « si Newcastle eût vigoureusement mis à exécution les recommandations que lui avait faites Shirley, la déportation des Acadiens n’aurait jamais eu lieu » !!! Possible. Mais il se serait passé alors quelque chose d’autre et d’aussi infâme, à savoir l’étranglement sur place des pauvres habitants, leur apostasie religieuse et nationale.