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voilà une mesure qui se heurterait à des objections de toute nature. Et la première est qu’il sera permis de douter que, dans les circonstances où cette population se trouve, il soit juste et équitable de lui infliger un tel traitement. Il est vrai que la neutralité dans laquelle les Acadiens se retranchent, (neutralité à laquelle les Anglais même ont paru croire pendant un certain temps), est sans fondement, et ne s’accorde pas avec les termes de l’allégeance qu’ils ont prêtée à Sa Majesté… Mais si l’on considère que cette neutralité repose sur un acte de feu le lieutenant-gouverneur Armstrong, alors commandant-en-chef de la Province, par lequel il crut devoir leur accorder, par un écrit de sa main, l’exemption de prendre les armes sous aucun prétexte, en retour de leur consentement à prêter serment d’allégeance à Sa Majesté régnante, (qu’Armstrong en ceci ait agi de son propre chef ou par autorité, il n’en reste pas moins que l’authenticité du document en question n’a pas été contestée), le châtiment dont on les frapperait paraîtrait peut-être trop rigoureux. Il se peut qu’il y en ait parmi ces gens qui préfèrent le gouvernement de Sa Majesté à celui de la France, et il est probable que plusieurs d’entre eux n’ont rien fait pour mériter cette expulsion. Il importe également de tenir compte de la situation fausse dans laquelle ils se sont trouvés, — pris qu’ils étaient entre les Canadiens, les Indiens et les Anglais, — des ravages qu’ils ont éprouvés par le fait des vicissitudes diverses de la guerre : ils étaient alors comme entre deux feux. D’une part, les Canadiens et les Indiens qui les soumettaient à de dures réquisitions, et leur faisaient violence pour les empêcher d’avoir des communications avec la garnison de sa Majesté ; d’autre part, la Garnison qui voulait les forcer à la servir et à lui venir en aide, encore qu’elle ne fût pas en