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ciliants. Dans les gouvernements absolus, et particulièrement dans les petits États, le caractère des gouvernants donne la clef de l’histoire ; c’est lui qui explique tout. Aussi avons-nous cherché à faire la psychologie des personnages que l’Acadie a eu pour maîtres. Il nous semble que, d’une manière générale, c’est là la tâche de quiconque veut faire œuvre d’historien. Les hommes expliquent les événements ; ce sont même eux qui les forgent dans une grande mesure. Et pour comprendre et apprécier sainement la vie d’un peuple dans telle situation donnée, ou à travers telle période de temps, il faut nécessairement étudier l’âme des chefs préposés à ses destinées. Tant vaut le maître, et tant valent les sujets, du moins en règle ordinaire. Par exemple, avec des gens naturellement pacifiques comme les Acadiens, les dissensions, les troubles qui ont rempli plusieurs années de leur histoire, seraient inexplicables, si la physionomie d’un Armstrong n’apparaissait, ne ressortait dans toute sa vérité, fantasque, dominatrice, âpre et chimérique, fourbe et violente. Un Mascarène devait avoir, au contraire, l’insigne honneur de faire régner la concorde et l’harmonie, même au milieu des conjonctures les plus épineuses, parmi des populations que de mauvais traitements avaient rendues défiantes et irritables, et cela par le seul effet de son caractère équitable, modéré, soucieux par-dessus tout de rendre à chacun ce qui lui était dû.

Ce gouverneur avait à peine pris possession de sa charge qu’il s’occupait de la triste situation dans laquelle on avait placé les Acadiens, en leur refusant, depuis le traité d’Utrecht, toute nouvelle concession de terres. De 2,500 âmes qu’elle était en 1713, la population Acadienne s’était élevée, en 1740, à environ 9,000 âmes : malgré cet accroissement assez considérable, elle se trouvait confinée dans le