Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome I, 1916.djvu/331

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[ 299 ]

avoir entendu, pesé, mûri le pour et le contre, et après avoir donné à l’accusé toutes les chances de se disculper. En lui s’unissaient aux plus belles qualités du tempérament français celles du tempérament anglais : de l’un il tenait l’affabilité, la courtoisie, l’estime pour les faibles, le désir et l’art de plaire ; de l’autre le calme, l’inflexible détermination, la sage lenteur, la persévérance dans les desseins. Aimant sa carrière, tout à son devoir et à son pays d’adoption, il était bon soldat, sans que l’esprit militaire eût étouffé chez lui le goût des lettres, le raffinement des mœurs ; ce qui faisait sa supériorité comme administrateur, venait précisément de ce qu’il savait combiner le sens de la discipline avec une très grande délicatesse de procédés.

L’occasion eut été belle pour lui de se venger sur les Acadiens et sur leurs prêtres de l’intolérance dont, à son point de vue, sa famille avait été l’objet[1]. Il n’en fit rien

  1. Sur la Révocation de l’Édit de Nantes, le 18 octobre 1685, cf. Histoire de France, par Ernest Lavisse, Tome VII, 2e partie, par E. Lavisse, Livre VI, ch. III, Le Protestantisme. Cet édit « fut pour la France un recul d’un siècle », p. 80. « La révocation de l’Édit de Nantes ne fut pas, comme on l’a dit quelque fois, la cause principale de la décadence économique de la France, mais elle y contribua beaucoup. » Id. Ibid. Tome VIII, Ie Partie, Livre 4e, par M. Sagnac, p. 204 et seq. — Cf. aussi Dictionn. encycl. de la théologie catholique, Tome II, pp. 155 et seq., à l’article Huguenots. (Paris, Gaume et Duprey, Édit., 1861. « Louis XIV, en persécutant les Huguenots, avait singulièrement aggravé sa situation à l’extérieur : Rome même le désapprouva, quoiqu’on ait souvent soutenu le contraire. Innocent XI déclara que le Christ ne s’était pas servi de cette méthode ; qu’il fallait conduire les hommes dans les temples, mais non les y traîner. » — Cf. aussi Catholic Encyclopedia, vol. VII, pp. 527 et seq. (art. signé Antoine Degert) : « This measure, (la Révocation) which was regrettable from many points of view, evoked in France unanimous applause from the catholics of all classes. This attitude is explained by the ideas of the time. » L’auteur de cet article signale que Vauban et Saint-Simon furent les deux seuls grands personnages de l’époque qui osèrent blâmer l’Édit de Nantes.

    Nos lecteurs remarqueront qu’en traçant ce portrait du gouverneur Mascarène, l’auteur d’Acadie verse presque dans le dithyrambe. Dieu nous garde de