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s’assembler et d’envoyer des députés à Annapolis ; parfois, ces députés, simples porteurs d’une résolution ou d’une décision prise en commun, étaient mis aux fers par l’autorité qui cédait à une colère soudaine. Cependant, malgré la provocation à la désobéissance, venant de la façon même dont ils étaient traités, que l’on nous dise s’ils ont jamais refusé d’obéir. N’est-il pas extraordinaire que tant d’empêchements, tant de subterfuges auxquels le pouvoir avait recours, pour berner ces pauvres colons et faire échouer tous leurs plans, n’aient jamais abouti à amener un seul acte d’insoumission prolongée de leur part, — et cela quand le gouvernement, n’ayant pour appui qu’une faible garnison de cent à cent cinquante soldats, était hors d’état de dicter ses volontés à une population comparativement nombreuse, disséminée dans des endroits d’un accès difficile en été, et presque impossible en hiver ? S’il est une chose propre à étonner en toute cette histoire si féconde en surprises, c’est bien celle-ci ; et il faut en tenir un compte exact si l’on veut comprendre et apprécier équitablement l’ensemble des événements. Cela étant, il semble juste d’attribuer une part de ce fait remarquable au clergé, surtout si ce dernier possédait l’influence qu’on lui accorde. Or, nous n’hésitons pas à déclarer qu’aucun de nos devanciers n’a pris la peine, et pour cause, de prononcer un jugement sur ce point : seul nous l’avons scruté et médité, pour en tirer des conclusions toutes naturelles, et qui éclairent d’un jour singulier la question si débattue de l’ingérence cléricale.

Laissant de côté les expressions sonores et grossières, employées par Philipps et Armstrong, et dans lesquelles perce leur dépit de ne pouvoir forcer les Acadiens à prêter le serment, nous ne trouvons pas, pour toute la période qui s’étend de 1713 à 1740, un seul grief substantiel, ni même