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courte échéance, nous vous donnons huit ou dix ans pour accomplir cette idée. D’ici là, nous permettrons à deux prêtres français, dont l’un devra stationner à Port-Royal, et l’autre aux Mines, de s’occuper exclusivement de l’éducation de la jeunesse en vue du sacerdoce. Ce temps écoulé, vous devrez vous suffire à vous-mêmes, et l’entrée de l’Acadie sera interdite aux prêtres français, au moins tant que la France sera notre voisine[1].

Mais l’on était loin d’un semblable projet, lequel ne vint probablement pas même à l’esprit d’aucun des gouverneurs. Jusqu’à 1730, la question du serment et du départ des Acadiens occupa trop de place pour qu’un pareil plan put entrer en ligne de compte. Après cette époque, Armstrong voulut mettre en avant l’idée dont nous avons parlé plus haut ; et finalement l’on s’arrêta au vain espoir d’expulser les prêtres catholiques et de les remplacer par des ministres protestants français, en favorisant en même temps l’immigration de Huguenots en terre acadienne, ou encore d’appeler simplement des ministres anglais avec des colons anglais, comme nous le verrons plus tard. Parfois l’on penchait vers la première alternative, comme étant plus acceptable aux Acadiens, mais le plus souvent c’était la seconde qui l’emportait.

Il fallait bien peu connaître les sentiments des Acadiens

  1. L’idée émise ici par l’auteur d’Acadie est bonne en soi, même excellente, et elle a fini par prévaloir pour le plus grand bien de nos frères Acadiens, lesquels savent tout ce qu’ils doivent aux admirables prêtres sortis de leur sein. Seulement Richard se trompe quand il s’imagine que deux prêtres « français », et vivant séparés l’un de l’autre, eussent pu, en dix ans, et chez un peuple où les moyens d’instruction n’existaient pas encore, former une jeunesse cléricale. Ignorait-il tout ce que demande de temps et de soins la préparation au sacerdoce ? Il eut fallu pour cela tout un collège, et les temps n’étaient pas mûrs pour la création d’une œuvre qui devait éclore au dix-neuvième siècle, à Memramcook, et dont les résultats bienfaisants sont incalculables.