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engagés par serment, et les inviter à quitter le pays. Les autorités savaient que les prêtres jouissaient d’un grand prestige parmi les Acadiens ; et d’autre part elles n’ignoraient pas que ceux-ci refusaient obstinément de prêter le serment qu’on leur offrait : il n’en fallait pas davantage pour faire naître des soupçons contre les missionnaires, et il est probable que, dans quelques cas, ces soupçons n’étaient pas sans fondement. Mais ici l’on n’a guère, pour se guider, que des conjectures : les conclusions auxquelles on peut en venir devant varier suivant les points de vue auxquels on se place, et selon la connaissance plus ou moins grande que l’on a pu acquérir de l’action sociale du clergé catholique. Que si réellement les Acadiens ont subi, dans le sens que certains historiens ont prétendu, l’influence de leurs prêtres, cette influence a dû se produire assez discrètement pour qu’il ait été à peu près impossible au gouvernement de la vérifier.

Étant donné la grande moralité des Acadiens, leurs habitudes paisibles et comme patriarcales, leur isolement, l’ardeur de leur foi, la solidité de leurs principes religieux, il est naturel de penser que leurs missionnaires avaient un puissant empire sur ce peuple. Mais que ce prestige se soit exercé au détriment de leurs intérêts spirituels ou temporels, voilà qui est inadmissible. Quoi d’étonnant que des populations simples et primitives, sans instruction, profondément imprégnées d’esprit chrétien, eussent mis toute leur confiance en ces hommes de Dieu, distingués par leurs vertus encore plus que par leur savoir, en ces prêtres qu’elles avaient vu à l’œuvre, et dont le dévouement à leur bien ne se relâchait jamais ? De là à conclure que ce clergé a abusé de son pouvoir pour semer la révolte dans l’esprit de ces fidèles, et pour les soulever contre les autorités légitimes, il