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à quitter la province plutôt que de s’y soumettre ; quelques-uns ont déjà transporté leurs bestiaux et autres effets au Cap Breton. Et j’apprends également que le gouverneur St-Ovide, avec des troupes et son conseil, est allé à l’Île St-Jean, dans la Baie Verte, afin de voir à désigner des terres pour être occupées par tous les habitants qui quitteront la province, et passeront sous la domination du roi de France. Ce sont les missionnaires qui ont arrangé toutes choses à cette fin. »

Or, il était urgent, pour Armstrong, d’arrêter l’exode général dont la colonie était menacée : sans quoi il allait encourir un blâme sévère et voir crouler ses plus chères espérances. Laisserait-il la France consolider sa colonie par l’apport de ces nombreux et utiles sujets ? Laisserait-il la province se dépeupler des seuls habitants qu’il eût à commander ? Mais que dirait-on de lui, alors ? Que deviendrait son administration ? Il ne gouvernerait plus que dans le vide ! Laissons parler ici Rameau :

« Devant ces circonstances qui paraissaient urgentes, la peur prit ce matamore, qui tout à coup transforma son visage ; lui qui les années précédentes voulait briser violemment toutes les volontés, lui qui ne parlait de rien moins que d’imposer par la terreur la soumission dans les esprits, se fit doux et insinuant : il attira les Acadiens dans des réunions bien préparées, où il leur prêchait, avec componction, les avantages considérables qu’ils s’assureraient en acceptant le serment et en devenant cordialement les loyaux sujets du roi George. Ils auraient le libre exercice de leur religion, la libre jouissance de leurs terres, la libre disposition de leurs héritages ; et lui, Armstrong, le gouverneur, promettait personnellement de toujours interpréter favorablement leurs engagements. Est-ce que ce n’est pas lui qui