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acadiennes des divers cantons, les plus privilégiées eussent fui en abandonnant les autres à leur sort ? Mais c’eût été la séparation pour toujours. C’eût été briser des affections plus fortes que la mort. C’eût été, en plus, encourir le risque de rencontrer, un jour, ces frères trahis sur les champs de bataille et d’avoir à guerroyer contre eux. Quelle perspective effrayante ! Et cependant tout cela n’est d’aucun poids dans l’esprit de Francis Parkman. Eh ! bien, moi, je dirai que, s’il faut choisir entre l’historien gonflé de sa science, et de pauvres gens ignorants qui n’avaient pour tout guide de leurs actions que les sentiments naturels, tout homme de cœur se prononcera pour ces derniers. Les Acadiens ont vu plus loin et plus juste que ce superbe auteur, ils ont mieux apprécié la délicatesse de la situation, mieux calculé les conséquences fâcheuses qui résulteraient d’une séparation opérée dans de pareilles conditions. Et qui donc osera les blâmer de s’être exposés à toutes les infortunes, plutôt que de renier leur sang et de fouler aux pieds les devoirs les plus saints ?

Toujours dans Half-Century of Conflict, Parkman fait l’étrange affirmation que voici : « Le traité d’Utrecht, comme nous l’avons vu, donnait aux Acadiens le délai d’un an pour se décider soit à demeurer dans le pays à titre de sujets anglais, soit à aller se fixer sur les terres du roi de France. L’année était écoulée depuis longtemps qu’ils se trouvaient encore en Acadie, s’opposant à en partir, et refusant également d’appartenir au roi Georges[1]. »

  1. « The Treaty of Utrecht, as we have seen, gave the Acadians a year in which to choose between remaining in the Province and becoming British subjects, or leaving it as subjects of the King of France. The year had long ago expired, and most of them were still in Acadia, unwilling to leave it, yet refusing to own King George. » Vol. I, ch. IX, p. 206.