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affaires. Si l’on laissait partir les Acadiens, la puissance coloniale de la France serait augmentée d’autant, et c’est à quoi nous ne devons pas nous prêter. Il faudrait plutôt les déporter en quelque endroit, où, englobés parmi les nôtres, perdus parmi les étrangers, ils perdront fatalement leur langue, leur religion et le souvenir du passé pour devenir de vrais anglais. Pour l’instant, cette déportation serait prématurée, elle affaiblirait trop la colonie ; mais au printemps, lorsque nous aurons dirigé de votre côté les renforts nécessaires, ce sera l’heure de la mettre à exécution. Attendez d’ailleurs que nous vous en ayons donné l’ordre précis. Jusque-là, rentrez vos grands airs arrogants, montrez-vous affable et bénin à l’égard de ces habitants. Faites-leur espérer tout ce qu’il leur plaira, vous avez carte blanche. L’important est d’entraver leur exode : c’est à ce prix que vous aurez mérité notre gratitude. »

(Signé) Craggs,…
Secrétaire d’État

« (P. S.). — Faites croire à ces naïfs Acadiens que nous voulons leur laisser le libre exercice de leur religion. Nous verrons plus tard ce qu’il y aura à faire à ce sujet, au cas où l’on déciderait de les garder dans la province. Advenant ceci, il est probable que la liberté religieuse leur sera accordée. »

Voilà, dépouillée de tout vain artifice, l’essence de cette lettre : la paraphrase que nous venons d’en donner n’ajoute rien au texte ; elle en fait seulement éclater le caractère odieux[1]. « Cette lettre (des Lords du Commerce,) dit Ra-

  1. Il y a quelques remarques à faire ici. Et d’abord, le nom de Craggs n’apparaît pas au bas de la lettre que Richard vient de commenter. Et l’on peut se demander de quel droit il appose la signature du Secrétaire d’État au