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porter leurs biens, les décideraient infailliblement à accepter le serment proposé. Il était tombé en cela dans la même erreur que Nicholson ; comme ce dernier, il se trouva dans la nécessité d’empêcher à tout prix le départ des habitants, avec cette différence que Nicholson pût user de subterfuges, tandis que cette suprême ressource lui était refusée à lui-même. Son ordre défendant aux colons de s’ouvrir un chemin pour se retirer de la province, quand sa proclamation leur enjoignant de la quitter était encore toute fraîche, dût bien l’affecter. Sa réputation, d’ailleurs méritée, croyons-nous, d’homme habile, agréable, même conciliant, ne pouvait que souffrir de ce piteux échec.

Plus Richard Philipps essayait de se faire doux et aimable envers les Acadiens, plus sa correspondance avec les autorités anglaises renfermait d’amertumes et d’insinuations malveillantes à leur égard. Pour se justifier ou pour pallier l’insuccès de sa mission, il eut recours à la diversion trop habituelle, hélas ! à notre pauvre humanité, c’est-à-dire qu’il en mit sur d’autres la responsabilité. Il voulut prouver que les Acadiens étaient des gens obstinés, incontrôlables, soumis à leurs « prêtres fanatiques ». Mais écoutons ses doléances :


Le Gouverneur Philipps au Secrétaire d’État Craggs.

« Monsieur,

« Depuis la dernière lettre que j’ai eu l’honneur de vous écrire, il ne s’est pas produit de changement dans la situation des habitants français ; ils semblent toujours indécis quant au parti à prendre, encore qu’il paraisse bien que, s’ils étaient laissés à eux-mêmes, ils choisiraient de continuer à jouir de leurs biens en devenant les sujets de la