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yeux pour ne pas voir le vrai sens de cet ordre et pour n’en pas saisir la note finale.

Philipps et son conseil savaient fort bien que le but des Acadiens n’était pas de venir molester le pays, à la faveur d’un chemin facile ouvert d’une place à l’autre, mais seulement de se préparer une issue pour le quitter à jamais. Dans une lettre au Secrétaire d’État Craggs, le gouverneur n’avait pas sans doute les mêmes motifs à invoquer contre eux que dans sa proclamation, aussi dit-il simplement : « Les Acadiens furent très surpris de l’arrivée d’un gouverneur en titre, chose à laquelle ils étaient loin de s’attendre. Par conséquent ils tâchent de se soustraire à sa juridiction le plus vite possible, de façon que, s’étant tous réunis et formant un seul corps, et protégés dans leur retraite par les Indiens, ils soient libres de sortir avec tous leurs effets par la voie de Baie Verte, après avoir détruit tout ce qu’ils seront obligés de laisser derrière eux, et cela sans crainte de représailles de la part de la garnison, laquelle suffit à peine à assurer la sécurité du Fort tel qu’il est présentement[1]. » Il appert clairement par ce texte que le gouverneur Philipps ne voyait, dans les travaux entrepris par les Acadiens pour ouvrir une route, que leur volonté de quitter la province par la voie de Baie Verte : le

  1. « They were indeed very much surprised at the arrival of a Chiefe Gov’r which they never expected, often saying that person was not borne, and therefore are getting out of his way as fast as they can, as you will find by the sequel, that so being once joined in a body, with the help of the Indians to favour their Retreat, they can march off at their leisure, by the way of the Baie of Verte with their effects, and distroy what they leave behind without danger of being molested by this Garrison which scarce suffices to secure the Fort in its present condition. »

    Nova Scotia Archives. Gov. Philipps to Secretary Craggs. Annapolis Royal, May 26th 1720, page 31.