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légeance, à la condition que l’on nous exempte de prendre les armes soit contre les Français, soit contre les sauvages leurs alliés. »

Certains historiens, parlant des efforts faits par les autorités françaises pour favoriser l’émigration des Acadiens, laissent entendre que ce furent là des intrigues blâmables, indignes d’une grande nation. Il peut être adroit de se débarrasser d’une accusation en en portant une à son tour : ce subterfuge, si grossier qu’il soit, ne laisse pas de faire des dupes. Que les Français soient intervenus pour engager leurs frères à se prévaloir des clauses d’un traité, cela n’est pas douteux. Ils en avaient d’abord le droit, et même le devoir. Puisque les Acadiens avaient unanimement décidé de s’en aller, quelle faute y avait-il de la part des Français de presser les autorités anglaises de faciliter ce départ ? La France était partie au traité, que je pense, et elle était tenue à honneur de protéger ses sujets contre telle violation de clauses qui avaient été stipulées en leur faveur. Non, si la France mérite quelque reproche, c’est au contraire de n’avoir pas apporté dans la conduite de cette affaire toute la détermination et toute l’énergie désirables, quand ses enfants réclamaient ardemment son appui et qu’elle avait intérêt à le leur donner. L’on a prétendu que la France, caressant l’espoir que l’Acadie reviendrait sous son drapeau, se désintéressa peu à peu de cette question du départ des Acadiens. Cela est possible, encore que ce désintéressement n’ait dû être qu’assez faible : outre que cette éventualité était bien incertaine, la France avait des raisons majeures de peupler ses colonies du Cap Breton et de l’Île St-Jean, et de se créer des forces pour parer aux conflits futurs. Mais nous n’avons pas à considérer ici quels intérêts la France et l’Angleterre pouvaient avoir, l’une à favoriser le