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rique qui touchait en même temps à tous les problèmes moraux, politiques et sociaux, cette façon hâtive d’exécuter un si grand dessein, — ce dessein eût-il été d’ailleurs lentement et consciencieusement couvé, — explique qu’il se soit glissé dans sa réalisation, d’abord des anglicismes et des incorrections syntaxiques de tout genre, et ensuite comme il se fait que souvent, la pensée même étant restée inachevée, incomplète, obscure et mal définie intérieurement, la forme qui lui a été donnée soit nuageuse, flottante et imprécise. L’on surprend une foule d’idées, à l’état pour ainsi dire embryonnaire ; elles ont jailli avant d’avoir été intégralement conçues ; elles n’ont pas été profondément ruminées ; c’est pourquoi elles ne sont pas clairement énoncées. Le vague, le brouillard de l’expression procèdent de ce que le verbe immatériel n’avait pas été forgé dans toutes ses parties. Bien rares — si tant est qu’il en existe ! — sont ceux qui trouvent du premier coup tous les éléments dont se compose une idée. Que de tâtonnements il faut ! que de patience ! une idée est complète quand elle a reçu sa forme concrète. Et qui expliquera le mystère par lequel, de la collaboration de la parole avec l’esprit, naît l’idée ? C’est quand la pensée s’est incarnée dans une forme matérielle qu’elle est parfaite. Le verbe intérieur réclame une chair pour passer à la vie. Or, cela demande un grand travail. Est-ce au premier essai que les ouvriers de l’idéal rencontrent l’expression qui cristallise le produit de leur intelligence ? Ne leur faut-il pas « vingt fois sur le métier remettre leur ouvrage », pour arriver à le constituer dans