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française et si acadienne, se soit ajoutée comme une tournure d’esprit anglaise, et que l’habitude de parler l’anglais, de traiter toutes les affaires en anglais, de fréquenter les anglais, de lire les auteurs anglais, ait influencé sa pensée et se soit reflétée dans sa manière d’écrire en notre langue. Il eût pu, sans aucun doute, réagir contre cette emprise étrangère, et, comme Tite-Live à force de compulser les vieilles chroniques s’était fait une « âme antique », sinon, lui, se refaire une âme française, du moins se libérer des modes britanniques, et retrouver, par l’effort, les façons de pensées et les formes de style ensevelies dans les replis de sa mémoire.

Or, il ne s’en est pas donné la peine. Le seul aspect de son manuscrit indique que ce travail est de premier jet. Cela est loin de « sentir l’huile », ainsi qu’il a été dit des œuvres de « monsieur » Boileau. Cela est de première main, sans ratures, sans « repentirs ». L’on sent que, lorsque la matière lui semblait suffisamment élaborée dans son cerveau, la pensée suffisamment mûrie, le plan, l’ordonnance des choses dessinée assez nettement, l’auteur laissait couler avec abondance sur le papier le flot intérieur, et qu’il laissait courir sa plume, trop lente à son gré pour exprimer les idées qui se pressaient, en rangs serrés, au bout de ses méditations et de ses recherches. Cette façon de composer, chez un homme qui n’était pas, à proprement parler, du « métier », qui n’avait pas eu l’entraînement professionnel, et qui avait choisi, pour première œuvre, un sujet dramatique, oui, mais difficile en conséquence, une thèse histo-