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défendu, même a fait arrêter leurs bateaux et chaloupes qu’ils avaient bâtis. Ils m’ont paru être dans le sentiment de ne pas sortir qu’ils n’aient vu la décision de M. de Nicholson. Il est constant qu’il fera tout ce qu’il pourra pour les retenir ; ils ont même déjà tenu deux fois conseil pour quitter le Port-Royal… ; c’est en partie ce qui m’a déterminé à y envoyer, d’autant plus que les Anglais les ont mis hors d’état de pouvoir subsister, s’ils ne recueillent pas leurs récoltes en achetant leur blé[1]. »

Nicholson, qui venait d’arriver d’Angleterre, n’avait probablement pas eu le temps de réfléchir aux conséquences fâcheuses qu’entraînait pour le pays le départ des Acadiens. Aussi, après avoir pris connaissance des ordres de sa Souveraine, promit-il d’abord d’y obtempérer, et de ne pas s’opposer au vœu si légitime des habitants. Mais, bientôt mis au courant par ses officiers des résultats qu’aurait pour la Province l’exode en masse des colons français, il s’avisa, pour gagner du temps, de référer la question à la Reine. Le subterfuge était absurde et grossier. Pourquoi proposer de référer à la Reine ce que celle-ci lui ordonnait de faire ? Pourquoi remettre encore à sa décision les clauses formelles et limpides d’un traité qu’elle avait sommé le gouverneur d’exécuter ?

Par malheur pour les Acadiens, la Reine Anne mourut le 17 août 1714. Sans quoi, nous pouvons croire qu’en dépit des conséquences, elle eut tenu à honneur de faire respecter ses engagements. De nombreuses communications furent alors adressées aux Lords of Trade, pour leur représenter les graves inconvénients qui allaient découler du départ des

  1. Casgrain, loc. cit.