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même aller jusqu’à soutenir qu’il pouvait produire de bons résultats au point de vue colonial, la forme dans laquelle il a été accompli est absolument blâmable, et rien ne saurait exonérer le gouvernement anglais « non seulement d’avoir toléré, mais plus encore d’avoir suscité cette traite odieuse des blancs qui devait conduire à la traite des noirs et vicier dans leur source les qualités précieuses dont cette société nouvelle avait été dotée à son berceau[1]. »

Une grande erreur de la France fut de ne pas coloniser, quand cela lui eut été si facile, le littoral de l’Atlantique, en tout ou en partie, de la Virginie en remontant vers le nord : elle se fût ainsi assurée des domaines sous des latitudes différentes et dans des climats variés. Le commerce, on l’a vu, était à l’origine l’idée dominante qui poussait les nations européennes à fonder des colonies. À ce point de vue, le choix que fit la France en s’implantant au Canada et en Acadie fut très heureux, pour un demi-siècle au moins, car ces pays offraient des avantages exceptionnels pour la pêche et la traite des pelleteries. Mais la rigueur de leur climat devait être un obstacle à l’avancement de la colonisation proprement dite. Si les établissements français sont restés dans une infériorité numérique aussi considérable, il faut en chercher une des raisons dans le climat. L’on ne tenait pas à émigrer en Acadie parce que l’on trouvait cette

    migration fut d’altérer la virilité, les qualités sociales et le caractère de haute moralité que présentaient les colonies primitives ; cette société en devint moins forte, moins intelligente, moins propice aux grandes choses.» — Loc. cit. p. 290.

    Donc l’Angleterre s’est trompée en vidant ses prisons pour renforcer la population de ses jeunes colonies d’Amérique. Ce fait même est odieux : la manière dont il a été exécuté, les circonstances qui l’ont entouré, l’ont rendu plus détestable encore et plus fatal. Mais, de quelque façon que l’on s’y fût pris d’ailleurs, il n’y avait rien de bon à attendre d’une émigration pareille.

  1. . Rameau, même ouvrage, même chapitre, p. 291.