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ainsi parler, à leur naissance, qui fut un moment auguste de l’histoire littéraire[1]… »

Combien les manuscrits, en général, surtout les manuscrits des grandes œuvres, ont plus de charme mystérieux et pénétrant que les plus vénérables bouquins ! Car ces feuillets sont « les premiers où les auteurs ont reconnu leur pensée devenue visible, et détachée d’eux-mêmes ». Pour ma part, le plaisir de tenir dans mes mains la « première expression » d’Acadie, a été l’un des plus complets et des plus profonds que j’aie jamais éprouvés. C’était une pure jouissance que de posséder dans sa source, dans sa forme originelle, une œuvre qui fut, pour nos frères acadiens, « un moment auguste de leur histoire », le signal d’une « résurrection », selon le mot de l’un d’entre eux, un livre qui a fait époque dans les fastes de la race française en Amérique, et qui a été, pour la conscience humaine outragée, un soulagement, et comme une libération. J’assistais, pour ainsi dire, « à sa naissance » ; ma curiosité palpitante saisissait le secret de son élaboration dans le cerveau de l’auteur ; je le voyais se développer, et prendre peu à peu ces belles et fortes proportions qui devaient lui assurer un caractère durable. Et ce plaisir intellectuel, qui était aussi pour moi plaisir de cœur, — car Édouard Richard fut mon proche parent, je l’ai connu et admiré : son manuscrit était donc un souvenir, une précieuse relique de famille, et les

  1. Les Vieux Livres. Lecture faite à l’Académie Française. Dans En Marge des Vieux Livres. IIe série, P. 3 et seq. (Paris. Société Française d’imprimerie et de Librairie. Rue de Cluny, 15).