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la tyrannie du pouvoir. Sans doute, le gouvernement anglais, loin de se montrer d’abord sympathique aux Puritains, chercha au contraire à leur créer toutes sortes d’embarras et de difficultés : mais, détail important, duquel a peut-être dépendu le sort des colonies anglaises, la Grande Bretagne laissa s’amollir sa rigueur première, elle céda aux instances qui lui étaient faites : aussi, moins d’un siècle plus tard, cette florissante colonie puritaine comptait 75,000 âmes, quatre fois plus que la population totale de la Nouvelle-France [1]. C’est bien le cas de dire que le sort des Empires tient le plus souvent à des faits non prévus et en apparence insignifiants.

    pleine liberté d’action, il n’est pas douteux, d’après les entreprises rudimentaires tentées par les Jésuites, par quelques communautés de femmes, et surtout d’après l’exemple des Sulpiciens de Montréal, que les ordres monastiques ne se fussent jetés, et même avec une grande ardeur, dans la carrière colonisatrice. Mais si l’on craignait de voir les Huguenots se constituer un centre, même hors de la France, on appréhendait tout autant de donner trop d’indépendance et de force aux ordres religieux ; on leur reprochait, dès cette époque, un grand esprit d’envahissement, et l’on redoutait, à tort ou à raison, de leur donner trop de puissance. C’est ainsi que, par une politique ombrageuse, on écarta, on répudia même, des éléments de colonisation d’une grande valeur ; on préféra ne rien faire et conserver sans émigrants, sans population, sans force, des établissements débiles et stérilisés. »

    Une colonie féodale en Amérique. Tome I, ch. VIII. Colonies françaises et colonies anglaises.

    « L’intention de la France du XVIIe siècle fut uniquement religieuse : amener des peuples à la connaissance de Dieu, les faire instruire dans la religion catholique, et peupler de chrétiens des pays nouveaux. C’est là ce que Champlain appelle : travailler pour la gloire du Christ. La conquête religieuse était son but idéal : les missionnaires furent ses ouvriers. À sa demande, des Pères Récollets et Jésuites arrivèrent de France, et les premiers chefs de famille qu’ils en amenèrent furent des hommes énergiques et pieux. »

    Prince de Beauvau-Craon. La Survivance française au Canada, 219-20. Paris. Émile-Paul frères, Éditeurs, 100 Rue du Faubourg St-Honoré, 1914.

  1. La population de la Nouvelle Angleterre était en 1688 d’environ 75,000 âmes, et d’environ 320,000 en 1754. De Nevers, op. cit. Tome I, p. 65. Les Puritains.