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leur début, considérable ; mais n’est-ce pas surtout l’initiative privée qui en fit les frais ? Les Puritains et les Quakers cherchaient un refuge contre l’intolérance, et l’Amérique leur paraissait être l’asile désiré. Ils espéraient y être leurs propres maîtres ou au moins se libérer là des entraves que l’on mettait en Angleterre à la liberté de leur conscience. Tandis que la France ne laissa jamais supposer aux Huguenots qu’ils ne seraient ni inquiétés ni molestés en Canada. Pendant qu’en France l’influence pernicieuse de la Cour débilitait la noblesse[1], en Angleterre les gentilshommes et les riches négociants se montraient pleins d’ardeur pour les entreprises lointaines, et si le gouvernement ne les encourageait guère, du moins ne leur suscitait-il pas d’obstacles ; mais en France, le contrôle et la règlementa-

  1. Étudiant les origines du Pessimisme de LaRochefoucauld, M. R. Grandsaignes d’Hauterive assigne comme l’une des causes de ce pessimisme l’état où était tombée la noblesse française sous un Roi absolu : « … LaRochefoucauld appartient à cette noblesse encore féodale de la première moitié du dix-septième siècle, qui précéda l’ère de l’aristocratie domestiquée et disciplinée. Cette noblesse avait conservé des siècles passés son idéal à la fois individuel et chevaleresque… Sans nul doute, LaRochefoucauld a hérité de cet idéal individualiste et en même temps chevaleresque que l’on retrouve chez ses pairs. Il est un peu, par certains côtés, de la famille de Don Quichotte. C’est un Don Quichotte de France, très sensé, très maître de lui, assez mélancolique, qui a le sens affiné du ridicule et qui ne craint rien tant que lui. Ils apparaissent tous deux à la même époque, et y apportent des sentiments qui sont déjà d’un autre âge. La société a changé, leur antique idéal chevaleresque y est sans écho : on ne le comprend plus. Tous les deux marquent la transition entre la noblesse de chevalerie et la noblesse de cour : l’Espagnol, trop exalté pour voir la réalité, s’achemine vers la folie ; le Français la voit avec son esprit sensé et observateur, et aboutit au pessimisme des Maximes : « Le Livre des Maximes, dit très justement M. Bourdeau, pourrait servir d’épitaphe à la féodalité mourante… » LaRochefoucauld arrivait à une époque où les aspirations de la vieille noblesse féodale s’exaltaient aux rudes coups de la monarchie grandissante… » — Le Pessimisme de LaRochefoucauld, par R. Grandsaignes d’Hauterive. Paris, Armand Colin, 1914, c. II, p. 31, et seq.