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cile de l’incubation, les nations européennes étaient surtout frappées des maux engendrés par ses luttes pour la liberté : le bien qui allait sortir de là ne se précisait pas encore ; ce qui attirait l’attention, c’étaient les désordres qui accompagnent toujours les périodes de transition. Dans l’ardeur du combat se commettaient des crimes particuliers qui pouvaient faire douter de la légitimité du but que l’on se proposait d’atteindre. Il n’est pas étonnant que Louis XIV, et même sa noblesse, témoins de ces faits, aient jugé que l’absolutisme du souverain était seul capable d’assurer l’unité d’action, la stabilité, l’ordre, l’harmonie au sein d’une nation. Ce qui se passait au delà du détroit paraissait leur donner raison. Il est très probable qu’ils ne virent, dans les dissensions qui agitaient alors l’Angleterre, qu’une coalition d’intérêts personnels au plus grand désavantage du bien public. La liberté n’ayant pas encore jailli du creuset où s’élaborait son essence, il était bien impossible aux esprits d’en prévoir les effets sur le caractère national. Louis XIV s’entourait d’ailleurs d’une telle gloire factice que la nation française éblouie se berçait de l’illusion que le règne de ce monarque réalisait l’idéal du gouvernement et qu’un tel régime pouvait se prolonger indéfiniment. Mais la carrière du grand Roi s’est terminée dans les humiliations de la défaite, les revers de la fortune. Et après lui, les folies de la Régence, l’indifférence et les vices de Louis XV ont réveillé le peuple de son engourdissement ; et la France, travaillée par les philosophes, a commencé d’être remuée par ce grand souffle qui devait amener le renversement du trône et causer les plus profonds bouleversements sociaux que l’histoire ait enregistrés.

En dépit d’adversités accablantes durant lesquelles l’activité d’esprit et le patriotisme des français se sont mani-