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médiocre, et fatal à son pays, car il a manqué, à un degré extraordinaire, de clairvoyance pratique, et l’œuvre qu’il a édifiée péchait par la base.

Les événements dramatiques dont la France a été le théâtre depuis 89 ont eu pour cause la suppression des libertés par la monarchie absolue. Mais la réaction contre la tyrannie du souverain s’est faite avec une violence et une brutalité qui ont gravement compromis les bons effets que l’on pouvait espérer de ce mouvement populaire. Si la France eut évolué lentement vers la liberté, elle eut acquis, par la force des choses, les meilleures qualités qui distinguent l’Angleterre, en même temps qu’elle eût heureusement développé ses propres dons. Mais il n’en fût pas ainsi. En opérant avec violence, elle a fait éclater dans son sein des troubles sociaux qui ne sont peut-être pas encore terminés. La liberté qui se fonde dans le sang n’est pas la vraie liberté : son origine la rend odieuse à une grand nombre et ne lui assure par conséquent qu’une existence précaire. La révolution provoque la contre-révolution ; le sang appelle le sang. Le régime qui s’impose par la brutalité suscite des adversaires qui chercheront à le renverser par les moyens qui ont servi à l’établir. De là un antagonisme irréductible entre les classes, le mépris des lois, les haines jamais désarmées, les conspirations sans cesse ourdies : de là naît dans le caractère national une tendance néfaste à vivre dans une perpétuelle agitation, tendance qui va s’accentuant et qui devient comme une habitude de l’esprit. Entre l’homme qui désire la république et celui qui voudrait revenir à l’ancien ordre de choses se creuse un abîme.

Si le caractère d’un peuple a une influence marquée sur les institutions qu’il se donne, l’on peut dire également que