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fierté. Si tant d’héroïsme fut dépensé en pure perte, la honte en rejaillit sur l’administration qui se montra incapable et inhabile, frappée de stérile impuissance.

Le caractère national de la France, dans ses qualités comme dans ses défauts, était déjà fixé au dix-septième siècle, et l’on peut dire que Louis XIV en offrait la synthèse parfaite. Les grandeurs et les faiblesses de la race se résumaient, se reflétaient dans son monarque. L’âme d’un peuple est le plus souvent la résultante de circonstances apparemment insignifiantes, à peine remarquées lorsqu’elles se produisent. Ce n’est que peu à peu, et parfois bien tardivement, que les germes latents s’épanouissent et que les causes obscures sortent leurs effets. Pendant tout le moyen-âge, les peuples de l’Europe occidentale présentaient des différences peu sensibles encore ; leur physionomie n’avait pas ces traits saillants qui devaient les caractériser par la suite et leur mettre une si forte empreinte individuelle. L’Angleterre ne se distinguait guère de la France, et la France de l’Espagne, que par des nuances. Ces trois nations avaient déjà acquis quelques notions de liberté. Et c’était précisément leur manière de voir à l’égard de la liberté qui allait le plus puissamment contribuer à déterminer le caractère de chacune : suivant qu’elles en favoriseraient l’expansion ou qu’au contraire elles tendraient à la limiter et à en restreindre l’exercice, surgiraient entre elles ces différences, s’accentueraient ces particularités, qui donneraient à leur âme un cachet nettement distinct, la modèleraient selon un idéal divers. Et la conséquence allait en être une orientation nouvelle de leurs destinées, la marche vers un avenir conforme à leurs aspirations récemment écloses.

En ces temps lointains, la France et l’Angleterre nous apparaissent comme deux petits ruisseaux dont le cours