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rons pas que les écrivains, en règle générale, ne se sont guère donné la peine d’aller jusqu’au fond de ces événements ; mais cette règle doit souffrir quelques exceptions. Les déclarations de Lawrence et de Winslow aux Acadiens contredisent, il est vrai, les documents officiels émanés du Home Office : mais si ces déclarations ne sont pas fondées sur des documents officiels, à plus forte raison si elles sont en contradiction avec des documents officiels, elles restent sans valeur. Est-ce que les historiens dont nous venons de parier craignaient, en tenant compte de ces lettres, de porter un coup fatal à la thèse de justification qu’ils s’efforçaient d’imposer au public ! Avec leur aide, ils pouvaient, en dégageant la responsabilité du cabinet de Londres, sauver sûrement l’honneur de l’Angleterre, en autant qu’un gouvernement peut être exonéré de complicité dans les actes commis par ses officiers[1]. Mais alors, il fallait sacrifier Lawrence et ses conseillers ; il fallait abandonner tout effort dans le sens d’une justification. Et ils semblent avoir préféré la tâche de sauver l’un et l’autre, le gouvernement anglais et Lawrence,

  1. Voici la phrase exacte du MS. original — fol. 619 — : « Ils pouvaient, en dégageant la responsabilité du cabinet de Londres, sauver sûrement l’honneur de l’Angleterre, en autant qu’elle (sic) pouvait l’être des actes de ses serviteurs subalternes… » — Et voici comment cette phrase est traduite dans l’édit. anglaise (II, p. 10.5.) : « They would be sure to save England’s honor by relieving the British Cabinet of all responsibility, so far as a Govervment can be acquited of complicity with his officers. » Si nous comprenons bien, cela veut dire que ces lettres du Home office ne sauvent l’honneur du gouvernement anglais que dans la mesure (plutôt restreinte) où un gouvernement ne peut être tenu responsable des forfaits commis par ses agents officiels. Cette incidente est importante sous la plume de l’auteur d’Acadie. Nous nous demandons s’il a bien pensé qu’elle compromettait sérieusement son propre point de vue si paradoxal, — à savoir que l’Angleterre a les mains nettes de toute cette sale affaire de la déportation ?