Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/535

Cette page a été validée par deux contributeurs.

APPENDICES XII


LA TRAGÉDIE ACADIENNE


(Donné à l’Université Laval, de Québec, le 16 janvier 1921)

I


Ce n’est pas de choses attrayantes que je viens vous entretenir, et je serais fort empêché si l’on m’adressait le dic nobis placentia des anciens. Je viens raconter des horreurs, malheureusement trop réelles. Plût à Dieu que ce ne fût qu’un mauvais rêve ! Mais les documents sur lesquels notre récit va reposer sont d’une telle authenticité qu’il faut bien accepter leur réalisme brutal et en prendre son parti. Il est impossible de récuser de pareils témoignages Plus j’étudie la question acadienne, et plus je demeure surpris du peu de retentissement qu’elle a eu à l’époque où elle reçu une solution si inélégante. Il est vrai que Lawrence avait tout prévu, et qu’en supprimant le plus possible des documents qui la concernaient, et en arrangeant le reste à sa fantaisie il s’était flatté de rendre l’histoire la complice silencieuse et complaisante de son crime. Mais comment se fait-il que la France du temps ait accordé si peu d’attention à un tel fait ? La France du milieu du 18e siècle, — l’on sait quelle elle était, les idées qui l’inspiraient quant à sa politique coloniale en Amérique, particulièrement. Ses magnifiques possessions d’outre-mer, elle n’y était plus attachée que par un fil que sa rivale viendrait bientôt trancher. Dès lors, que pouvait bien lui faire le sort lamentable de quelque milliers d’habitants français, perdus sur des grèves lointaines que ne protégea plus l’ombre de son drapeau ? Toujours est-il que la déportation de tout le petit peuple acadien fut à peine jugée digne de figurer dans la grande histoire d’alors, et que les échos qui s’en trouvent dans les pièces officielles britanniques nous la présentent uniquement sous un jour propre à la justifier. À les en croire d’ailleurs, ce fut une chose bien ordinaire, sur laquelle il n’y avait guère à gloser, et qui n’était certes pas de nature à déranger la sécurité de ces grands hommes d’État, sollicités par des problèmes autrement importants. J’ai dit que Lawrence avait tout prévu. Il est cependant une chose