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conviendra d’ailleurs qu’un auteur, si humble qu’il soit, ait mieux à faire qu’à vouloir redresser les opinions que l’on professe sur son compte. Ne serait-ce pas là temps perdu ? Que si, aujourd’hui, nous sortons de la réserve dont nous nous sommes fait une loi, pour relever une critique, c’est que nous y voyons un devoir d’honneur et de justice envers la mémoire et l’œuvre d’Édouard Richard, qui y sont traitées avec une flagrante partialité ; et c’est aussi que, sur d’autres points où nous sommes personnellement concerné, cette recension contient des inexactitudes que la vérité nous oblige à signaler.

L’auteur commence par faire des compliments au sujet de l’exécution typographique de l’ouvrage, dont il se déclare des plus satisfait. Tant mieux donc ! Puis, après quelques détails empruntés à notre Introduction, touchant le sort qu’avait eu le manuscrit original d’Acadie avant de tomber entre nos mains, voici qu’il donne un éreintement en règle à Édouard Richard. Nous nous en voudrions d’altérer, par une simple analyse, ce couplet vraiment charmant. Le voici dans toute sa grâce : — « Richard était bien peu qualifié pour assumer la tâche d’historien. Il n’était pas un homme instruit, il manquait de caractère ; sa documentation est défectueuse. Il s’approprie sans vergogne de longs passages de Rameau, de Beamish Murdoch, de Casgrain et d’autres écrivains. Sa manière de citer est bizarre. Selon toute apparence, il citait souvent de mémoire, tant la teneur de son texte diffère de l’original. Son français fourmille d’anglicismes et d’expressions traduites de l’Anglais. Son histoire n’est pas une histoire ; elle est justement nommée par deux fois un plaidoyer, et cela avec une parfaite exactitude. Il est loué comme « l’avocat de la grande cause acadienne ». Avec une telle formation, un tel bagage, et une pareille tournure d’esprit, Richard assaille nerveusement l’exactitude de Parkman et la sincérité de Akins ! »

Y pensait-il ? Toucher à de tels personnages ! Porter sur eux une main profane !

Ne nous laissons pas intimider par ces grands coups de cravache anglaise. — Quelle surprise, si, par hasard, ils avaient manqué leur effet ! Et c’est bien ce qu’il sera facile de démontrer.

Nous admettons que la documentation d’Acadie présentait des lacunes, surtout en ce sens que les références n’y étaient que rarement indiquées, et que les citations offraient quelques différences de forme avec les sources originales ; il nous faut également concéder qu’assez souvent l’auteur a introduit dans sa narration des emprunts pour lesquels il a oublié de donner crédit à qui de droit. Comme emporté par son sujet, dans le feu de la composition, il n’a pas toujours pensé à mettre au bon moment des guillemets ni à faire intervenir ses autorités. Manifestement, ce fut là de sa part de l’oubli, de la négligence, l’effet d’une initiation insuffisante aux procédés si précis et si méticuleux de l’école historique moderne. Ce serait le calomnier gratuitement que d’en faire, à cause de cela, un plagiaire. Nul moins que lui n’a songé à l’être. Il est vrai enfin que son style est loin d’avoir la pureté classique, et