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APPENDICE IX



MÉMOIRE SUR LES ACADIENS[1]


Les Français Acadiens connus aussi sous le nom de Français Neutres étaient établis sur la rivière d’Annapolis où ils formaient une peuplade d’environ 3,000 (sic) familles. Cédés aux Anglais par la Paix d’Utrecht, ils avaient conservé avec leurs églises et leurs prêtres le libre exercice de leur religion. Ils conservèrent aussi l’attachement le plus profond et le plus tenace pour la France et c’est de ce sentiment qu’ils sont aujourd’hui la victime. L’Angleterre les regarda comme des séditieux parce qu’ils ne voulurent jamais prêter le serment qu’on exigeait d’eux. La formule de ce serment attaquait leur religion et leur religion leur était garantie par le traité. Mais leurs juges étaient en même temps leur partie. Leur procès fut jugé sans être instruit et l’ordre fut donné de transporter les Acadiens dans les diverses colonies anglaises.

Quinze cents débarquèrent à la Virginie. Ils y furent regardés comme des prisonniers de guerre et on les envoya presque aussitôt en Europe dans les premiers transports qui firent voile. Arrivés en Angleterre et dispersés dans tous les ports de ce royaume, ils y périrent presque tous de misère et de chagrin. Trois cents abordèrent à Bristol où ils n’étaient point attendus, car on ne les attendait nulle part. Ils passèrent trois jours et trois nuits sur les quais de la ville exposés à toutes les injures de l’air. On les enferma à la fin dans quelques édifices ruinés où la petite vérole acheva de détruire tous ceux qui n’avaient pas succombé à la fatigue et au désespoir.

Douze cents autres de ces malheureux furent envoyés au Maryland. Ils y arrivèrent au mois de décembre et souffrirent durant trois semaines toutes les rigueurs du froid et de la faim. On les dispersa ensuite dans les campagnes, où les plus robustes servirent de journaliers et tous les vieillards et les infirmes vécurent d’aumône.

  1. Ce document est donné ici en orthographe moderne, d’après une copie tirée de l’original par Édouard Richard pour son propre usage. L’original est au folio 340 du volume 449 du Fonds Angleterre, au ministère des Affaires Étrangères, à Paris.