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Voilà des motifs suffisants pour ne point les abandonner, il s’en trouve au Cap de Sable, au Port Royal, aux Mines et enfin dans nos rivières de Memeramrouq, Petkoudiac et Chipoudy.

Des courriers venus icy du Port-Royal vers la fin de Décembre nous ont appris qu’il n’est point de trahison dont l’Anglois ne se soit servi contre l’habitant, soit pour l’emmener, soit pour sonder ses intentions.

On a supposé une lettre de Monsieur Le Loutre à Monsieur Daudin qui annonçoit que le premier de ces Missionnaires étoit à la veille d’arrivée à Beauséjour avec cinq cents Canadiens.

On a vu plus d’une fois de prétendus officiers françois qui se disoient avant-coureurs d’une armée ou d’une flotte. Il a paru plusieurs couriers particuliers, c’étoit des armées, c’étoient des flottes, des frégates parties pour s’opposer à l’enlèvement des Accadiens, c’étoient des espérances les plus flateuses.

On n’enlevoit, disait-on les familles que pour les empêcher de porter les armes pour le françois, suivant des ordres dont Monsieur Hocquart étoit porteur, et que la paix ramèneroit un chacun sur son ancienne habitation.

Nous sçumes de ces courriers qu’il ne s’est sauvé du Port Royal qu’environ trente familles dont la majeure partie s’est retirée dans les bois avec les habitans du Cap Sable, l’autre se tient au bois aux environs du lieu. Les gens du Cap Sable n’ont pas encore été inquiétés, ils se sont confinés dans les bois et ont avec eux Monsieur Désenclaves, cy devant Missionnaire du Port Royal.

Je n’ai pu sçavoir s’ils avoient le dessein de se retirer vers nous, je penserois volontiers qu’ils veulent attendre dans les bois quelle sera l’issue de la guerre, ils ont envoyé chercher les nouvelles chés les fugitifs du Port Royal, ceux cy les ont envoyés chercher chés nous comme je l’ai dit et veulent tout mettre en œuvre pour se rendre à nous. Nous leur avons promis toute l’assistance qui dépendra de nous.

(a) Messieurs Daudin, Chauvreux et Lemaire ont été arrêtés vers la my Juillet, conduits à Chibouctou et mis dans des vaisseaux séparément : c’est tout ce qu’ont en sçait.

Vers la fin de l’automne il ne restoit plus aux Mines que quatre vingts familes (il y en avoit aux Mines avant cest troubles environ un millier d’habitans) et j’apprends tout récemment qu’il n’en reste plus que dix ou onze qui sont cachés dans les bois et qui demandent du secours pour se sauver.

Dans nos rivières de Memeramcouc, Petcoudiac et Chipoudy, il reste comme je l’ai dit environ deux cent cinquante familles, de ce nombre sont soixante femmes dont les maris ont été emmenés en Angleterre (sic pour Nouvelle-Angleterre). Pour bien faire connoître la situation de ces familles, il faut, ce me semble, reprendre les choses d’un peu plus haut.

Dès que les affaires commencèrent à se brouiller dans ce pays, je jugeai qu’on n’avoit rien de mieux à faire que de se jeter entre les bras des françois, dès lors, à la vérité, la plupart des habitans s’étoient rendus aux forts anglois y étoient détenus, et je n’avois pû m’opposer à cette démarche en effet en