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sus tout, conservons cette haute moralité qui nous a assurés tant de sympathie pour nos infortunes, chez ceux mêmes qui pouvaient avoir intérêt à nous condamner. N’oublions pas que les vrais motifs qui ont provoqué nos malheurs étaient ignorés, que ceux qui épousaient notre cause, et c’était le grand nombre, avaient à le faire contre leur propres sentiments, en condamnant des actes qu’ils croyaient être ceux de la Métropole, et alors nous pourrons plus facilement pardonner et oublier. En même temps, consolons-nous par la pensée que tôt ou tard, la vérité entière sortira lumineuse de la fosse dans laquelle nos persécuteurs croyaient l’avoir à jamais ensevelie.

Oh ! si tant de souvenirs cruels pouvaient enfin s’effacer de notre mémoire ! Que n’est-il encore, comme au temps du paganisme, un fleuve dont l’eau aurait la vertu de faire oublier le passé ! Ce que l’on est convenu d’appeler le bienfait de l’éducation est justement ce qui aggrave nos chagrins ; c’est elle qui, en nous ouvrant ses portes, en affinant nos sentiments, ressuscite et avive en nous les douleurs de ce passé inoubliable. Les peines et les misères qui sont le résultat des péripéties ordinaires de la vie ou de nos fautes, s’oublient facilement, mais il n’en est pas ainsi de celles qui ont leur source dans l’injustice, et surtout dans l’injustice d’un gouvernement duquel on dépend. Si encore, cette autorité à laquelle nous devons respect et obéissance, mais à laquelle, dans l’état actuel des choses, nous ne pouvons donner notre amour, avait la magnanimité de reconnaître l’injustice de son passé et de chercher à le réparer dans une mesure quelconque, ce serait beau, ce serait grand, ce serait noble, et, ce qui n’est pas sans importance, ce serait hautement politique. Un acte de cette nature ferait disparaître du