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s’irritait contre eux, et les malheureux se traînaient de village en village, harassés par la fatigue, la faim et le froid, et par un désespoir qui s’accroissait à chaque étape ; la dernière fut à Port-Royal (Annapolis), où les mêmes inquiétudes d’un côté et les mêmes déceptions de l’autre se répétèrent.

« Que faire cependant de cette caravane de misérables en haillons, écrasés par la lassitude, les privations et le chagrin ? Les officiers de la garnison prirent le parti de les diriger un peu plus au sud, sur la Baie Ste-Marie, dont les rives inoccupées étaient bordées de vastes forêts. Les pauvres Acadiens, épuisés et désespérés par tant de malheurs, ne sachant plus où porter leurs pas, se laissèrent conduire et finirent ainsi par s’échouer sur cette rive déserte, où des terres leur furent concédées le 23 déc. 1767. Ceux-ci avaient ainsi parcouru à pied, une distance d’environ 1000 milles avant d’atteindre le terme de leur voyage, et cela ne représente pas les longues distances qu’ils eurent à franchir de la même manière pour se réunir à Boston.

« Les plus cruelles traverses n’abattent pas toujours entièrement l’énergie humaine ; le calme après la tempête, la moindre lueur d’espoir qui renaît, permettent à nos sens rassis de se rattacher à la vie, de se reprendre au travail et d’inaugurer de nouveaux progrès. Sous la pression de la nécessité, ces misérables proscrits élevèrent des huttes ; on se mit à pêcher, à chasser, les défrichements commencèrent, et bientôt avec les bois abattus on vit se remonter quelques grossières maisons[1]. » Telle fut l’origine de cette

  1. Une Colonie. Ch. XV. P. 186 à 190.