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avaient nourri l’espoir que là-bas, de l’autre côté de la Baie de Fundy, à Beauséjour, à Beaubassin, à Grand-Pré, à Port-Royal, ils retrouveraient leurs terres et peut-être leurs habitations ; ils avaient espéré qu’on les laisserait s’établir sur celles qui n’étaient pas encore occupées, mais ils eurent bientôt à se rendre compte qu’ils n’y devaient pas songer ; tout avait été distribué à leurs persécuteurs ou à de nouveaux colons. Ce grand et pénible voyage qu’ils venaient de faire se trouvait inutile ; il n’y avait plus pour eux ni patrimoine ni patrie. À cette décourageante nouvelle, la plupart se sentirent abattus, ils étaient à bout de leurs forces, et ne cherchant pas à pousser plus avant, ils demeurèrent au lieu même où la Providence venait de les conduire.

« Cependant un certain nombre ne put se résoudre à croire que tout fût perdu, et qu’ils fussent ainsi dépouillés sans aucun espoir de ces riches terres, conquises autrefois sur la mer par l’industrie laborieuse de leurs aïeux. Cinquante à soixante familles reprirent de nouveau leur route, hommes, femmes et enfants ; ils tournèrent le fond de l’ancienne Baie Française, devenue Fundy Bay ; ils visitèrent successivement Beaubassin, Pigiquit, Grand Pré ; mais Beauséjour s’appelait Cumberland, Beaubassin, Amherst ; Cobequid avait pris le nom de Truro, Pigiquit celui de Windsor et Grand Pré se nommait Horton ; tout était changé ! Noms anglais, villages anglais, habitants anglais ; partout où ils se présentaient, ils semblaient des revenants d’un autre âge ; personne depuis longtemps ne songeait à eux.

« Ils effrayaient les enfants, ils inquiétaient les femmes et les hommes, comme une menace sortie du tombeau ; on