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dans la forêt ! celle-ci même a disparu ; toutes les misères de ces infortunés sont noyées aujourd’hui dans l’ombre du passé ; depuis longtemps on moissonne joyeusement sur leurs campements effacés, et c’est à peine si quelques traditions affaiblies de ce sublime et douloureux exode se trouvent encore éparses dans les récits des vieillards Acadiens de la Baie de Fundy. »

« Dans les sentiers sauvages qui serpentaient parmi les forêts interminables du Maine, cette longue file d’émigrants cheminaient péniblement ; c’étaient de petites troupes de femmes et d’enfants, traînant le mince bagage de la misère, tandis que les hommes, dispersés ça et là, cherchaient dans la chasse, dans la pêche et même parmi les racines sauvages, quelques ressources pour les alimenter. Il y avait des enfants tout petits, marchant à peine, que l’on menait par la main, les plus grands les portaient de temps en temps ; plusieurs de ces malheureuses mères tenaient un nourrisson dans leurs bras, les cris de ces pauvres enfants rompaient seuls le silence sombre et lugubre des bois.

« Combien moururent en route : d’enfants, de femmes et même d’hommes ? Combien ont expiré, accablés par la lassitude, souffrant la faim, assis et oubliés pour toujours dans un sentier perdu, sans prêtre, sans consolation, sans amis ? Personne ne les a comptés, personne ne redira leurs noms, et les dernières agonies de la mort furent empoisonnées, pour ces innocentes victimes, par toutes les angoisses des regrets et de l’abandon !

« À mesure que cette triste caravane s’avançait, il s’en trouvait en effet dont les forces défaillantes se refusaient à les porter plus loin ; tous ne succombaient point cependant, et il s’échelonna ainsi le long de la route quelques