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qui étaient concédés de toutes parts ; leurs défrichements avaient aiguisé les convoitises, et la moisson était à la veille d’être cueillie. On vint signifier à ces Acadiens de la part de Belcher, qu’ils eussent à évacuer à l’instant les terres qu’ils occupaient. Voici leur réponse. Par elle on pourra apprécier le fait et les dispositions de ces gens. Le ton n’est certainement pas celui d’êtres dangereux, ni même celui de l’insoumission, si injuste et si cruel que fût l’ordre qui les expulsait :

« Nous avons reçu avec respect les ordres que M. le commandant du Fort Frédéric nous a publiés de votre part pour évacuer la rivière Saint-Jean. Nous les aurions exécutés incontinent si nous n’avions espéré que par compassion de nos misères passées vous voudriez bien nous en épargner de nouvelles. En effet, Monsieur, nous commencions à sortir de l’affreuse calamité où la guerre nous avait réduits, les apparences d’une abondante moisson nous promettaient des provisions pour l’année suivante. Si vous nous ordonnez absolument de partir avant la récolte, la plupart de nous sans argent, sans provisions, nous serons obligés de vivre à la façon des Sauvages errant d’un côté et de l’autre ; au contraire, si vous nous permettez de passer l’hiver pour faire sécher nos grains, nous serons en état de cultiver de nouvelles terres dans l’endroit où vous nous ordonnerez de nous retirer. Le pénétration de vos esprits vous fait connaître, qu’un cultivateur qui établit une nouvelle terre, sans avoir des provisions pour un an, ne peut devenir qu’un pauvre être inutile au gouvernement dont il dépend. Nous espérons Monsieur, que vous voudrez bien nous accorder un prêtre de notre religion, c’est ce qui nous fera essuyer avec patience les peines qui sont inséparables