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parle Murdoch. Que de fortunes qui doivent leur origine à cette complicité honteuse ! Que de chenapans qui s’improvisèrent grands seigneurs à même ces vilenies[1] ! S’il fallait remonter à l’origine des grandes familles dont les petits fils nous écrasent de leur opulence, s’il fallait scruter la base de bien des grandeurs, l’homme soucieux de son honneur remercierait peut-être la Providence de son humble extraction. Pour notre part, nous estimons plus honorable de descendre d’humbles opprimés que d’orgueilleux oppresseurs[2].

Comprend-on maintenant pourquoi, au lieu d’accueillir avec bienveillance ces pauvres Acadiens qui se mettaient à la merci de leurs oppresseurs, on les faisait prisonniers en attendant l’occasion de les déporter ? Comprend-on pourquoi on ne voulait pas leur permettre de s’établir dans un coin isolé de la Province ? pourquoi on persistait à vouloir les déporter quelque part, et assez loin pour qu’ils perdissent l’idée de jamais revenir ? Comprend-on maintenant pourquoi Lawrence, et après lui Belcher et Wilmot, importunèrent Amherst afin d’en obtenir la permission de se débarrasser de ces gêneurs ? pourquoi ils les représentaient comme des êtres mécontents, et incapables d’apprécier ce qu’ils appelaient « la douceur et la suavité du gouvernement britannique » ? Singulière douceur, qui faisait d’eux des prisonniers et des forçats dès le moment où ils faisaient leur soumission, en attendant l’occasion de les semer aux

  1. Le MS. original — fol. 835, — porte « dans cette boue ».
  2. Le MS. original porte ici la note suivante : « Le volume des Archives contient bon nombre d’Ordres en Conseil, mais aucun se rapportant à ces octrois ; ils sont cependant tous aux Archives et Parkman ne les ignorait pas. »