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furent pas tous gratuits, ni sans conditions ; il y avait des grands, des moyens, et des petits privilégiés, suivant le degré d’influence qu’ils pouvaient exercer ; mais tous ne s’empressaient pas moins à la curée qui s’ouvrait, pour emporter avec eux l’os consolateur qui assurait leur silence ou leur influence, et qu’il leur serait permis de gruger au nez des Acadiens ou du pauvre colon qui allait les remplacer. Comme nous pouvons facilement l’imaginer, les conseillers de Lawrence n’étaient pas parmi les petits privilégiés. Belcher, qui fut le successeur de Lawrence, avait sa grande part, et il ne devait pas en être autrement de Wilmot.

« Au moment de clore cet aperçu de l’année 1765, dit Murdoch, et en réfléchissant aux considérables cessions de terres, sanctionnées par le gouverneur Wilmot et son conseil, je ne puis me défendre de penser que cette année fut une vilaine année, et que le progrès de la province a été beaucoup retardé par ce fait malheureux de concéder de pareilles étendues de terres boisées qui étaient ainsi soustraites au pouvoir de la couronne et à celui du peuple[1]. »

Lorsque toutes les terres des Acadiens eurent été offertes en pâture à ces corbeaux affamés, on se rabattit sur les terres non défrichées, et c’est par milliers d’acres qu’on les livra aux favoris. Il devait y avoir bien des prête-noms sous ces octrois ; un seul ne suffisait pas toujours aux plus gourmands ; « quand on prend du galon on ne saurait trop en prendre », mais il fallait cacher son identité, se masquer sous un nom d’emprunt.

L’on en était rendu là en 1765, dans cet ugly year dont

  1. II. p. 455.