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de Lawrence ne serait pas satisfaisant ; car, malgré son omnipotence, le gouverneur avait à faire un certain cas de l’opinion de ses conseillers[1]. Au reste, si cruel qu’il fût, il ne devait pas l’être au point de prendre plaisir à la souffrance d’autrui. Nous n’avons donc plus qu’une alternative ; et c’est toujours celle à laquelle il faut avoir recours en pareille occurrence : quand on ne peut expliquer la conduite des hommes par les raisons ordinaires, il reste à rechercher quels intérêts les inspiraient. L’on ne saurait comprendre, en effet, pourquoi l’on ne laissait pas ces gens désarmés, et qui faisaient de bon gré leur soumission, s’établir dans le pays. La France était vaincue, dépossédée du Canada, du Cap Breton, de l’Île Saint-Jean ; il ne restait plus un seul soldat français dans toute l’étendue du pays. Dès lors, qu’avait-on à redouter de cette poignée de paysans qui ne pouvaient que soupirer après la tranquillité, et qui prouvaient clairement leurs intentions pacifiques, en se livrant spontanément aux autorités anglaises, aussitôt après la prise de Québec, et cela contre le gré des officiers français ? — Il est certain que l’on avait décidé de les déporter avant qu’ils aient pu fournir l’occasion de griefs : la preuve en est dans l’incarcération de ceux qui étaient venus pour s’établir sur la rivière Saint-Jean, munis d’un permis de la part de Monckton ; la preuve en est encore dans la suggestion faite par Lawrence à son conseil, dès le moment où il fut informé de la chose, de déporter ceux qui faisaient

  1. Dans le MS. original — fol. 831 — un trait au crayon renvoie à la marge où se lit cette note : « Comment cela s’accorde-t-il avec ce que vous avez dit de la servilité de ses conseillers et de la concession d’une assemblée en 1758 ». Nous ferons remarquer que, dans l’édit. anglaise (II, 287,) ce passage du MS. a subi une sensible transformation ou altération.