Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tiront à prêter le serment de jouir paisiblement de leurs terres ; n’inquiétez pas non plus ceux qui s’y refuseraient, ne vous engageant à rien envers eux, de façon à les amener à le prêter eux-mêmes. »

Il n’y a pas à se méprendre sur le sens de ce message : l’esprit qui l’avait dicté était le même que celui qui anime tous les messages antérieurs. En dépit des fausses représentations de Lawrence et de quelques-uns de ses prédécesseurs, les Lords du Commerce connaissaient à peu près exactement la situation[1] ; il était difficile de les tromper du tout au tout ; au reste, il leur était aisé de voir que, le petit nombre de réfugiés qui prirent les armes ne l’ayant fait que sous menace de mort, l’on n’aurait rien à redouter de ceux qui étaient restés tranquilles chez eux. Ce scrupule à porter les armes, de la part de ceux qui, de gré ou de force, avaient traversé la frontière, pareil scrupule, quand le retrait de la neutralité dont ils avaient joui et qu’ils avaient mise connue condition à leur séjour dans le pays, leur en donnait clairement le droit, parlait éloquemment en faveur de leur sincérité et de leur droiture. À travers la vague phraséologie des documents officiels, les Lords avaient pu apprécier sainement ces faits. Et s’il était injuste d’expulser ceux qui avaient été pris les armes à la main, mais pardonnes ensuite, il devenait criminel d’étendre l’expul-

  1. Et alors, ils sont d’autant plus coupables de ne s’être pas opposés à la déportation. Les modernes historiens anglais, afin de pallier leur complicité, affirment au contraire que les Lords s’en sont rapportés aux autorités coloniales pour les renseigner exactement, et ont jugé d’après elles de la situation. Cf. dans notre tome deuxième, ch. XXVII, note 1, p. 332 : «  it is of unnatural that the British authorities at home should have trusted the judgment of those most familiar with the facts… » Munro, dans Hist. of No. America, vol. XI ch. XII. P. 188. (George Barrie & Sons. Philadelphia.)