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vers la forêt, où ils ne rencontreraient pas d’habitations, n’auraient pas de routes praticables, et cela avec des enfants de tout âge. Comme l’on peut se l’imaginer, leurs souffrances et leurs privations furent nécessairement terribles ; mais tout cela était allégé par l’espoir qu’ils pourraient enfin vivre en paix dans leur chère Acadie. Partis de Québec au commencement d’octobre 1759, ils atteignirent le fort Frédéric, sur la rivière St-Jean, vers la fin de novembre. À leur arrivée, ils présentèrent leur certificat au Colonel Arbuthnot, qui commandait ce poste. Celui-ci en référa à Lawrence, qui déclara que cette permission avait été obtenue sous de fausses représentations, ou sous la supposition que ces gens appartenaient à quelque autre rivière St-Jean, en Canada. Aussi à une séance du Conseil tenue à Halifax, le vendredi 30 novembre, fut-il décidé qu’ils devaient être, le plus tôt possible, conduits à Halifax où ils seraient retenus comme prisonniers de guerre, en attendant une occasion favorable de les transporter en Angleterre[1]. C’était une infamie nouvelle ajoutée à toutes les autres, et d’autant plus odieuse que le motif inventé par Lawrence pour la commettre était contredit par les circonstances. En effet, Monckton n’avait pu faire d’erreur concernant le lieu, puisqu’il n’y avait pas alors d’autre rivière St-Jean, ni d’endroit de ce nom, au Canada, et surtout parce que Monckton connaissait aussi bien l’Acadie et les Acadiens que Lawrence lui-même. C’était le même Monckton qui, quatre ans auparavant, avait présidé à la déportation des Acadiens du fond de la Baie de Fundy ;

  1. Cf. N. S. D. P. 309-310. — Les Pères Germain et Coquarte accompagnaient ce groupe d’Acadiens.