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qu’ils avaient eu le temps d’aller prévenir. Noël Brassard et son beau-frère se hâtèrent d’achever leur besogne, car la Unie alors dans son plein montait rapidement à l’horizon et aurait pu facilement trahir leur présence. Quand la fosse fut terminée, le missionnaire revêtit son surplis avec son étole noire, et récita à voix basse les prières de l’absoute. Il aida ensuite les deux hommes à combler la fosse. — Avant de partir, leur dit-il, nous allons réciter un De Profundis au pied de la grande croix, afin de mettre nos morts sous la protection de Dieu et les défendre contre la profanation des hérétiques. — Un instant après, la porte du cimetière grinça sur ses gonds, et tout rentra dans le silence. Noël Brassard n’était qu’au commencement de ses peines. Malgré ses sinistres pressentiments, s’il avait pu prévoir tous les malheurs qui l’attendaient, il aurait reculé d’épouvante. Dans le cours de cet affreux hiver, il perdit sa femme et tous ses enfants, hormis deux, un garçon et une fille. De Peticoudiac à Ristigouche, où il arriva dans les premiers jours du printemps, on aurait pu suivre sa marche à la trace des tombes qu’il avait laissées derrière lui.

« Dans son désespoir, il ne pouvait entendre prononcer le nom d’un Yankee sans être saisi d’une espèce de frénésie. Il confia les deux enfants qui lui restaient à sa sœur Marguerite d’Entremont, qui elle-même avait perdu tous les siens, et il se remit à son ancien métier de chasseur ; mais cette fois, ce n’était pas pour faire la chasse aux animaux des bois, c’était pour faire la chasse à l’homme, la chasse à tout ce qui portait le nom de Yankee ou d’Anglais. À la tête de quelques partisans, habiles au tir comme lui, exaspérés par l’excès du malheur, il n’épargna rien pour faire à ses ennemis tout le mal qu’il en avait souffert. Pendant