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l’extrémité. Il eut bientôt rejoint sa famille sur le haut de la colline d’où l’on apercevait le village à moitié incendié et l’entrée du Peticoudiac. Ils s’arrêtèrent là silencieux ; les enfants se pressaient autour de leur mère en étouffant leurs sanglots ; pour Noël Brassard, il ne pleurait pas, mais il était pâle comme un mort, et ses lèvres tremblaient quand il regardait sa femme qui soupirait en essuyant ses larmes. Le soleil se couchait en arrière d’eux sur la cime des arbres, — un beau soleil d’automne qui réjouissait tout le paysage. Ses rayons obliques allumaient des reflets d’incendie aux fenêtres des maisons, et allongeaient leurs ombres dans la vallée.

« La mère Brassard, épuisée de force, avait paru à peu près insensible pendant le trajet ; mais alors elle ouvrit les yeux, et comme si l’éclat des objets l’eût ranimée, elle se mit à examiner l’une après l’autre chacune des maisons du village ; elle jeta un long regard d’adieu sur le toit où elle avait si longtemps vécu ; puis ses yeux restèrent fixés sur le cimetière dont les tombes et les croix blanches brillamment illuminées se dessinaient en relief sur l’herbe du gazon. — Je n’irai pas plus loin, soupira-t-elle à son fils ; je me sens mourir. Tu m’enterreras là, près de ton père. — La voiture se remit en marche ; mais quand elle eut fait quelques arpents sur le chemin cahoteux et mal tracé qui plongeait dans la forêt, Noël Brassard s’aperçut que le visage de sa mère devenait plus blanc que la cire ; une sueur froide perlait sur ses joues. Sa femme et lui s’empressèrent autour d’elle pour la ranimer, mais ce fut en vain. Elle était morte. Le lendemain au soir, deux hommes étaient occupés de creuser une fosse dans le cimetière de Peticoudiac. À côté d’eux attendait le missionnaire, M. Le Guerne,