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se transformer en un lion furieux assoiffé de vengeance, capable de se porter à toutes les extrémités. Oui, et nous n’hésitons pas à le dire, une persécution aussi injuste et aussi extraordinaire constituait une provocation suffisante pour tourner la tête à l’homme le plus pacifique, pour faire de lui un pirate ou un brigand improvisé, s’embusquant au coin de la forêt pour faire la chasse à son bourreau. C’est ce que nous aurions fait, c’est ce que beaucoup de nos lecteurs eussent fait ; et c’est cependant ce que les Acadiens ne firent pas, à l’exception d’un fort petit nombre.

La tradition nous a conservé le souvenir des terribles vengeances exercées par quelques-uns de ces hommes, et plus particulièrement par Jean Le Blanc, Nicolas Gauthier et Noël Brassard dit Beausoleil.

Ce dernier habitait, avec toute sa famille, les cantons de Chipody et de Petitcodiac, au nord de la Baie de Fundy. Cette colonie avait été fondée en l’année 1699 par le meunier Thibaudeau et Jean-François Brassard. Thibaudeau avait été fait seigneur de Chipody, et une large concession avait été accordée à son ami Brassard. Les liens de la parenté vinrent bientôt unir plus étroitement les deux familles. Brassard, dont la femme, Catherine Richard, était la fille aînée de Michel Richard, premier du nom en Acadie, notre ancêtre, donna sa fille en mariage au fils du vieux Thibaudeau ; et les deux familles formèrent bientôt un groupe important et prospère. Nous avons vu qu’à l’époque de la déportation, un détachement de troupes avait été envoyé de Beauséjour, (Cumberland,) pour brûler les maisons de Chipody et de Petitcodiac, et enlever les habitants ; nous avons vu également que la population, prévenue de cette attaque, s’était embusquée à la lisière de la forêt, et qu’au