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yeux. L’extrait suivant d’une lettre du Révérend Hugh Graham au Révérend Andrew Brown, datée de Cornwallis, mars 1791, nous donne la mesure de ce que l’on pouvait attendre d’une pareille proclamation :

« Un détachement de soldats, faisant partie d’un régiment spécialement chargé de surveiller le pays abandonné par les Français qui avaient été malheureusement bannis par la politique anglaise, tomba sur quatre français qui, avec toute la précaution possible, s’étaient aventurés hors de leur retraite pour aller à la recherche de quelques bestiaux errants ou de quelque trésor caché. Ces quatre misérables solitaires, si dignes de pitié, venaient de s’asseoir, tristes et fatigués, sur les bords d’un ruisseau désert pour y prendre un peu de nourriture et de repos, quand ils furent surpris et capturés par les soldats ; et comme une prime était offerte pour les chevelures d’indiens, — quelle tache sur le blason britannique ! — les soldats firent entendre la supplication d’usage en ces rencontres, les officiers tournèrent le dos, et les français furent immédiatement tués et scalpés. Un détachement rapporta en un jour 25 chevelures, prétendant qu’elles venaient d’indiens, et l’officier qui commandait le Fort, le colonel Wilmot, qui devint plus tard gouverneur (un pauvre instrument,) donna des ordres pour que les primes fussent payées en récompense de ce butin. Le capitaine Huston, qui avait alors la charge du trésor, fit des objections et représenta tout ce que la lettre et l’esprit d’un pareil procédé avaient d’irrégulier. Le colonel lui répondit que, d’après la loi, tous les français étaient hors de la province ; que la prime sur les chevelures d’indiens était conforme à la loi, et que si, en quelques cas donnés, la loi avait besoin d’être restreinte quelque peu, ce-