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partie par les nombreux descendants de cette famille. Séparés d’Halifax et des autres établissements acadiens, sans autres moyens de communication que ceux qu’offrait la navigation, ils avaient vécu dans un isolement aussi absolu que s’ils eussent été dans une petite île, au milieu de l’Océan. Ils habitaient là depuis plus d’un siècle, réglant leurs affales comme ils le jugeaient convenable, sans que l’administration s’occupât plus d’eux que s’ils n’eussent pas existé[1].

C’est à peine s’ils eurent connaissance des persécutions de Lawrence et de l’obligation à laquelle il soumettait des Acadiens des autres parties de la province, sur l’affaire du serment. Il n’y avait donc, bien certainement, aucun motif d’expulsion contre ces habitants du Cap Sable, qui n’avaient même pu donner lieu aux prétextes qu’inventa Lawrence contre ceux de Port-Royal, de Grand-Pré et de Beauséjour. Ces pauvres gens, après la terrible calamité qui venait d’atteindre leurs frères, ne pouvaient avoir d’autre désir que de rester bien tranquilles dans leur retraite, d’être ou ignorés comme par le passé, ou laissés en paix comme quantité négligeable. Si Lawrence eût épargné cette colonie paisible et isolée, nous aurions là une preuve, qui, sans être tout-à-fait concluante, tendrait au moins à montrer qu’il agissait avec des motifs à peu près avouables, et avec un certain degré de discernement.

Il faut souvent bien du temps, ponctué par la répétition des mêmes actes, pour nous permettre de saisir et de voir à fond toute la malice dont sont capables ceux même

  1. Cf. sur la Baronnie de Pobomcoup, Rameau, Une Colonie. App. Ve Série. P. 412 et seq.