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tants. Tous les enfants furent, conséquemment à cet ordre, séparés de leurs parents et distribués dans les comtés de Westchester et d’Orange.

Il nous semble que le sort de ces infortunés était déjà assez cruel pour faire naître la compassion et pour mériter quelques adoucissements. Ne suffisait-il pas qu’ils eussent été chassés de leur pays, dépouillés de tout, séparés de leurs proches, jetés sur une terre brûlante où la maladie était venue éclaircir leurs rangs ? Ne suffisait-il pas qu’ils se fussent imposés des privations et des peines pour se construire une embarcation avec laquelle ils avaient espéré se soustraire aux influences de ce climat meurtrier ? N’était-ce pas assez qu’ils eussent affronté les misères d’un long et laborieux trajet ? N’était-ce pas assez qu’on eût encore ajouté à toute la série de leurs angoisses en les dispersant parmi des étrangers à leur croyance, à leur langue, à leurs habitudes ? Non, cela ne suffisait pas. La tranquillité de Lawrence était troublée par les déplacements de ces proscrits. Aussi, l’année suivante, l’ordre fut donné de les jeter en prison ; et, raconte M. Gilmary Shea, dans tout l’espace qui s’étend depuis Richmond en gagnant vers le nord, cette mesure fut mise à exécution[1].

Devant une telle accumulation de souffrances et d’indignités, supportées par une population paisible et désarmée, qui n’avait jamais donné l’occasion de griefs sérieux quand elle tenait dans ses mains les destinées de son pays, l’on se sent pris d’un serrement de cœur, tandis qu’aux lèvres monte un cri d’angoisse auquel se mêlent à notre

  1. The Catholic Church in Colonial Days. Vol. I. liv. IV. c. IV. The Acadian Catholics in The Colonies. 1755-1763. P. 421 et s. (New-York, 1886).