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les intérêts, les sentiments, les motifs des acteurs de ces événements et de ceux qui les ont racontés.

Sur les questions que nous venons de traiter. Rameau est de beaucoup l’écrivain le plus complet. Son caractère est au dessus de toute atteinte ; ses citations sont toujours sûres et correctes ; il est souvent très sévère envers les Français. Cependant, à raison de son ardent patriotisme, nous nous sommes abstenu de recourir à ses opinions sur des points essentiels ; et nous avons cherché à approfondir bien des questions qu’il n’a touchées que légèrement, parce qu’elles étaient obscures et mal étayées. Ainsi, le rôle joué par l’abbé Le Loutre, et son influence sur les événements, ont été considérables ; il est indéniable que sa conduite a été de nature à irriter les Anglais, et injustifiable sous plus d’un rapport ; son attitude à l’égard des Acadiens a manqué de discrétion ; par ses menées, il a intensifié les haines nationales, et a pu faire surgir dans le cerveau de Lawrence l’idée de la déportation ; sans ce fougueux abbé, sans ses provocations répétées, la déportation eût constitué une impossibilité, si pervers d’ailleurs qu’ait été le despote qui l’a conçue et exécutée[1]. Il est vrai que tous les renseignements que nous possédons sur les faits et gestes, et sur le carac-

  1. Nous prions le lecteur de se rappeler notre ch. XV et les votes sur ce sujet de Le Loutre. Nous ne recommencerons pas ici une discussion que nous avons quelque droit de considérer comme close, après toutes nos considérations et nos documents produits concernant le rôle joué par ce célèbre abbé. La vue historique exprimée ici par l’auteur d’Acadie ne nous semble pas pouvoir résister à un examen sérieux de la question. Ce n’est ni Le Loutre, ni aucun autre missionnaire français, qui a pu faire germer dans l’esprit de Lawrence l’idée de la déportation, vu que cette idée avait été émise, dès le 28 décembre 1720, par les Lords du Commerce eux-mêmes. Cf. Akins p. 58. Nous ne saurions trop rappeler ce fait capital, à savoir que c’est d’Angleterre que ce plan de déporter les Acadiens est venu.