Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voilà déjà une dislocation affectant certainement 400 personnes et peut-être même 750[1]. En gardant à Halifax ces chefs de famille, alors qu’il faisait transporter ailleurs la population, nous avons la preuve évidente que l’intention de Lawrence était de démembrer les foyers.

Mais, puisque Parkman paraît s’attacher particulièrement à adoucir la part d’odieux qui revient de ce chef à Winslow, nous allons montrer que celui-ci ne mérite probablement pas les atténuations dont l’historien américain le colore. René Le Blanc, notaire de Grand-Pré, était à cette époque, à l’exception peut-être de Joseph Le Blanc, Nicolas Gauthier, Louis Allain et Lucien de La Tour, l’homme le plus important parmi les Acadiens. Il avait en quelque sorte renoncé à la neutralité qui le couvrait, ainsi que tous les habitants français, pour servir le gouvernement avec zèle, au point que cela lui avait valu d’être fait prisonnier par les sauvages et retenu par eux captif pendant quatre ans. Dans une requête adressée à Sa Majesté le Roi de Grande Bretagne, et que l’on trouvera aux appendices, les Acadiens déportés à Philadelphie exposent ainsi leur situation :

« … Nous avons été déportés dans les colonies anglaises ; et cette déportation a été opérée si hâtivement, et avec si peu d’égards pour les choses indispensables à la vie et pour les liens les plus tendres de la nature, que plusieurs sont tombés, de l’état social le plus charmant et le plus prospère, dans un dénuement absolu. Les parents ont été séparés de leurs enfants, les maris de leurs femmes, parmi lesquels il y en a qui n’ont pu encore se rejoindre. Nous avons été telle-

  1. Nous donnons les chiffres tels que dans le MS. original — fol. 740. A. — L’édit, anglaise, II, p. 207, met 700 ou 800.