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Le gouverneur aurait pu ajouter, et cela n’eut fait que compléter sa vraie pensée : « J’ai cru qu’en laissant les familles intactes et en déportant au même endroit les habitants d’une même localité, ils en prendraient occasion pour se concerter et revenir prendre possession de leurs terres. Aussi, afin de prévenir une telle éventualité, j’ai donné l’ordre de distribuer les gens d’un même lieu à des endroits fort éloignés les uns des autres ; autant que possible, j’en ai fait autant pour les membres d’une même famille ; de la sorte, le père, la mère, les enfants, n’auront pour longtemps d’autre souci que de se chercher. Entre temps, la misère, le chagrin en tuera un grand nombre… » Que ceux qui doutent que telle ait bien été la vraie pensée de Lawrence, cherchent une autre explication à la dislocation des familles ; pour nous, nous n’avons pu réussir à trouver à ce fait une autre solution. Lawrence était bien trop habile pour ne pas se laisser guider en toutes choses par un motif utile à ses plans. Et le démembrement des familles servait admirablement la fin qu’il avait en vue.

« En dépit du soin apporté par Winslow, dit Parkman, quelques cas de séparation des familles se sont produits, mais ils n’ont pas été nombreux[1]. » Des preuves à l’appui de cette affirmation, il n’en donne aucune, et pour cause. Il est vrai que Winslow avait déclaré aux habitants, convoqués et détenus dans l’église de Grand-Pré, qu’il verrait à ce que « les mêmes familles prissent place à bord des mêmes vaisseaux[2] » ; mais cette déclaration ne saurait suffire comme

  1. Montcalm avd Wolfe. I, p. 290, en note.
  2. « That whole familys shall go in the same vessel…  »

    Journal. Coll. of the N. S. H. S. III, p. 93.