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en lui-même est incontestable. Les prêtres n’ont pas été sans contribuer quelque peu à produire cette haute moralité, et comme après tout la morale chez un peuple a bien son importance, il serait peut-être convenable d’être indulgent envers l’autorité qu’ils exerçaient ou pouvaient exercer sur les Acadiens[1]. En s’affranchissant davantage de leur contrôle, que Parkman estime si funeste, ce que les Acadiens eussent gagné en indépendance, en initiative, en progrès matériel, eût peut-être été au détriment de leur moralité. Nous admirons tout autant que Parkman les conquêtes de l’esprit humain, l’essor de la pensée ; nous croyons en une évolution constante et bienfaisante qui pousse les nations chrétiennes à aller de l’avant dans la voie tracée par la Providence ; mais si, en parcourant l’histoire, nous rencontrons quelque part un petit peuple heureux et prospère, vivant dans un état de société quelque peu primitif, mais moral, et tout imprégné du véritable esprit chrétien, nous ne nous arrêtons pas à discourir sur les limites restreintes de son horizon intellectuel, ni sur l’influence plus ou moins grande qu’il subissait de la part de celui-ci ou de celui-là, ni sur les bienfaits douteux qu’eût pu produire une révolution dans ses idées ; nous nous contentons d’admirer le spectacle que nous avons sous les yeux, sans arrière-pensée, sans formuler d’autre désir ; nous laissons au temps le soin de continuer sa lente évolution, bien persuadé que la morale est après tout le bien le plus appréciable qui soit proposé à nos ambitions.

  1. Pour saisir toute la portée de cette phrase, il faut l’entendre dans son sens ironique. Elle constitue un coup droit porté aux affirmations de maître Parkman concernant l’espèce d’esclavage dans lequel le clergé aurait tenu les Acadiens. Tout le reste du passage est de la haute et fine ironie.