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« L’abbé Rayal, dit Parkman, qui ne vit jamais les Acadiens, a tracé d’eux un portrait idéalisé, copié et embelli encore depuis, en prose et en vers, au point que l’Acadie est devenue une Arcadie… Cette humble société avait ses éléments de troubles ; car les Acadiens, aussi bien que les Canadiens, avaient l’humeur litigieuse ; et, entre voisins, l’on se querellait souvent pour des questions de bornes de propriété. Ils n’étaient pas non plus sans avoir une forte dose de jalousie, se livrant à des potins, à des commérages, — ce qui était leur manière de rompre la monotonie de leur existence[1]. »

Parkman a la monotonie en horreur. Et il y fût tombé effectivement s’il s’en fût tenu sur la question acadienne à des idées toutes faites, à des opinions reçues ; il pensait qu’il n’y avait pas grand risque à supposer un état de choses un peu différent. Il est vrai que Rainai n’avait jamais vu les Acadiens, si ce n’est ceux qui se réfugièrent en France : ses opinions ne se basaient donc que sur des on-dits, sur la commune renommée : c’était beaucoup à certains égards, mais c’était trop peu pour arriver à une précision absolue dans ses descriptions. Et pourtant, que dire de Parkman lui-même, qui est si affirmatif et dont les jugements ne s’appuient sur rien de connu, ni sur la tradition orale, ni sur des témoignages écrits ? Sans doute, il lui était permis de supposer que l’état de société dépeint par Raynal, et par tant d’autres après lui, comportait une perfection incompatible avec la nature humaine ; et c’est en partant de là qu’il a mis à son tableau les ombres que lui suggérait son imagination.

  1. Montcalm and Wolfe. I. VIII. 266-7-8. Parkman renvoie à Raynal. Hist. Phil. & Pol. VI. 242. Édition de 1772.